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(dans SENTIER CHASSE-PÊCHE – 1999)

par : Richard Monfette

Voici un petit poisson de rien du tout, méconnu de surcroît, mais dont la grande disponibilité et la valeur nutritive semblent monopoliser l’appétit de pratiquement tous les grands prédateurs aquatiques des plans d’eau nordiques. Comme pour l’éperlan au Sud, l’imitation de ce poisson-fourrage représente une des principales clés du succès de pêche dans le Nord.

Chaque année, plusieurs pécheurs visitent les grands lacs et réservoirs du Québec, et pourtant, peu d’entre eux connaissent le poisson-fourrage numéro 1 de la plupart de ces grandes étendues d’eau nordiques. En effet, si je prononce le mot cisco, ça vous dit quelque chose? Probablement pas. Néanmoins, c’est bien le cisco qui constitue la principale source de nourriture pour la truite grise, et possiblement aussi pour le doré et le brochet a certaines périodes de l’année. Il ne fait donc aucun doute qu’en améliorant nos connaissances sur les habitudes de vie du cisco, nous ne pourrons qu’améliorer nos résultats de pêche sportive, et c’est d’ailleurs le but de cet article.

Petit cousin du corégone 

Le cisco est un petit poisson de la famille des salmonidés (saumons, truites et ombles) et plus précisément de la sous-famille des corégoninés (corégones). Il est donc le petit cousin du grand corégone que vous connaissez probablement tous; d’ailleurs, le cisco a une allure très semblable à ce dernier. Toutefois, plusieurs critères permettent de distinguer les deux espèces : le cisco, contrairement au corégone, a une queue plus arrondie, des yeux très grands comparativement au reste de la tête, un museau qui ne dépasse pas la mâchoire inférieure et enfin une forme plus allongée, ainsi qu’une coloration nettement plus brillante (normalement) que chez le corégone. Donc, si jamais vous capturez un petit corégone, regardez-le attentivement car il pourrait bien s’agir d’un cisco.

Ce poisson, comme la plupart de ceux de la famille des salmonidés d’ailleurs, affectionne grandement les eaux fraîches. C’est donc une espèce que l’on retrouve le plus souvent en grande profondeur. Conséquemment, le cisco est toujours intimement associé au touladi lorsque les deux espèces se retrouvent dans un lac donné. Évidemment, dans le cas des lacs très nordiques, non seulement le touladi, mais également le doré, le brochet et même les grosses mouchetées vont se gaver de ciscos puisque l’eau y demeure fraîche durant toute la période estivale.

Trouver le cisco

Je tenterai donc de décrire l’habitat utilisé par le cisco selon les saisons, en tenant compte des différences qui peuvent exister entre un lac du moyen ou du grand nord. Si vous vous retrouvez sur un lac très septentrional, vous pouvez considérer que tous les poissons piscivores du lac sur lequel vous vous trouvez sont susceptibles de se nourrir de ciscos, peu importe la période de l’année.

Au printemps, à l’ouverture de la pêche, l’eau est normalement très froide quelle que soit la profondeur. À ce moment-là, on peut retrouver le cisco partout, c’est-à-dire dans moins de 5 m aussi bien que dans plus de 30 m. Par surcroît, il en est de même pour le touladi. En outre, pourquoi croyez-vous que les truites grises ne sont pas toutes en surface au printemps? Eh bien, c’est tout simplement que plusieurs spécimens (souvent les plus gros) profitent des bancs de ciscos toujours en profondeur. Donc, même si c’est une excellente stratégie de pêcher le touladi à faible profondeur au printemps, il ne faut pas oublier pour autant d’explorer certaines fosses si les prises de qualité se font attendre. Puisque les ciscos peuvent aussi se retrouver à faible profondeur durant cette période, dorés, brochets et autres prédateurs résidents d’un lac donné s’en gaveront également sans relâche.

Lorsque les grandes chaleurs de l’été font leur apparition, les ciscos migrent alors tous vers les profondeurs. En fait, les ciscos évoluent sous la thermocline, cette barrière entre l’eau chaude de surface et froide du fond. D’ailleurs, vous avez probablement déjà détecté des immenses bancs de ciscos sur votre sonar lors de vos voyages passés. Rappelez-vous ces grands bancs de poissons qui n’en finissaient plus de défiler sur l’écran; c’étaient probablement des ciscos. Effectivement, ces derniers sont très grégaires et ont l’habitude de se rassembler en bancs de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d’individus.

Les truites grises aussi sont plus concentrées durant l’été, puisque la majorité d’entre elles se retrouve dans des fosses pouvant varier entre 15 et 40 m. Les touladis sont donc en compagnie de leur garde-manger. Durant cette période estivale, ils chassent en se déplaçant vers les grands bancs de ciscos en suspension, ou encore à l’affût le long des escarpements rocheux abrupts. Lorsque l’on pêche dans un nouveau lac durant l’été, c’est donc une excellente idée que de trouver les bancs de ciscos à l’aide de votre échosondeur, ou encore les structures propices. Le temps que vous consacrez à cette prospection sera rapidement rattrapé lorsque vous débuterez votre session de pêche. Systématiquement, je vous conseille même de ne commencer à pêcher qu’après avoir trouvé la «bouffe».

Autres associations

Le doré est moins directement associé au cisco que le touladi. Toutefois, vers le milieu du mois d’août, lorsque la température de l’eau atteint son maximum, les dorés descendent fréquemment à plus de 15 m et peuvent alors se nourrir de ciscos. C’est peut-être une des raisons qui expliquent pourquoi le doré est si difficile à capturer dans certains lacs au mois d’août.

Quant au brochet, saviez-vous que les gros spécimens peuvent pratiquement être considérés comme des poissons d’eau fraîche? En effet, durant l’été, les ciscos sont souvent la proie de brochets de plus de 5 kg, et ce à des profondeurs aussi grandes que 20 m. Donc, durant la canicule, si vous cherchez les gros sujets, n’hésitez pas à pêcher creux.

Lorsque arrive l’automne, les ciscos entrent en période de fraye et recherchent les hauts-fonds rocheux pour y déposer leurs œufs. À cette période, la pêche du touladi est normalement fermée (octobre). Toutefois, dans les derniers jours de la saison (septembre), si les températures fraîches ont commencé à faire leur apparition, des grands bancs de ciscos commencent déjà à se rassembler sur ou à proximité de ces hauts-fonds. Vous pouvez donc tirer profit de ces endroits, en explorant non pas le pourtour de la structure mais bien son dessus. Il faut explorer et pêcher les hauts-fonds où l’on détecte du cisco, et ce non seulement pour le touladi mais également pour le doré et le grand brochet.

Le mot de la fin

Maintenant que vous connaissez mieux le cisco, vous pourrez en faire un précieux allié. N’oubliez jamais que pour les poissons, l’expression «quand l’appétit va, tout va» prend tout son sens…