Jigs pour mouchetée

Jigs pour mouchetée

(dans SENTIER CHASSE-PÊCHE – 1997)

par : Sylvain Trudel

Dans l’édition de juillet 1994 de ce magazine, Jocelyn Lapointe signait un article intitule La mouchetée au jig… sacrilège ou péché mignon?». Un bon article. Interprète comme audacieux, certes, par certains «puristes du ver de terre , mais ayant suscite une curiosité certaine dans le mi-lieu des mordus des leurres artificiels. Et, jusqu’à un certain point, une lueur de nouveauté semblait apparaître dans l’horizon parfois un peu monotone des sempiternels leurres classiques préférés de notre mouchetée nationale…

En fait, l’idée originale qu’a eu Jocelyn Lapointe témoigne d’une connaissance profonde des poissons sportifs : leurs tenues, réactions et instincts sont, pour chacune des espèces pourtant spécifiques, quelque peu similaires, du moins dans leurs « tropismes » particuliers (pour reprendre l’expression du regretté Serge Deyglun…). Ainsi, Jocelyn a vu juste : ni un leurre « classique », ni une mouche présentée avec une soie flottante ne peut rejoindre adéquatement une mouchetée qui recherche avant tout l’eau fraîche des profondeurs avant de satisfaire son goût pourtant légendaire pour les nymphes des hauts-fonds…

Le thermotropisme, qui entraîne obligatoirement les poissons à une température plus près de leurs conditions aquatiques préférentielles, souvent pour une question de survie, obligera le pêcheur à adapter ses présentations. Par contre, autant le jig était une excellente idée pour rejoindre la mouchetée à près de 30 pi (10 m) de profondeur, autant ce type de leurre est, sans contredit et par expérience personnelle, d’une utilisation tout aussi redoutable à n’importe quelle profondeur!

Expériences concluantes

Je découvris les « vertus » des mini-jigs pour la truite mouchetée il y a plusieurs années, alors que je péchais la perchaude avec des modèles « pieuvre » dans une région du nord de Québec qui abritait également de la truite mouchetée. Pêcher les ogresses insatiables que sont les perchaudes avec des jigs était une véritable jouissance! Pas de ver à appâter, à ajuster, à ré-appâter… Et, tout à coup, une morsure beaucoup plus franche, suivie d’une fuite acrobatique et soutenue, jusqu’à ce que je constate qu’en fait, c’était une jolie mouchetée de 8 po qui venait d’avaler mon petit jig rouge et blanc!

Alors commença une véritable passion pour la pêche à la truite avec des mini-jigs. J’ai fait de nombreux tests, avec beaucoup de couleurs, de formes et de grosseurs, et je les ai utilisés autant en rivière qu’en lac. Mes observations personnelles m’ont permis de conclure, notamment, que les têtes de jigs de 1/32 oz sont les plus efficaces en rivière et ceux de 1/16 oz en lac. De plus, les couleurs naturelles, telles le noir, le beige, le brun et le gris, ainsi que leurs combinaisons, sont celles que la truite a préférées.

Cependant, force est d’avouer que, sur le marché, les modèles de micro jigs d’apparence très « naturelle » ne sont pas légion et que le tour du jardin est vite complété. Le caoutchouc a des vertus de malléabilité, certes, mais la miniaturisation semble avoir ici ses limites… De plus, si l’on peut trouver un défaut au caoutchouc, c’est sa caractéristique de tendre à flotter! Or, pour atteindre plus rapidement certaines profondeurs, et y demeurer, il est évidemment préférable d’employer des têtes plus lourdes, mais dans le cas particulier de la mouchetée, c’est à proscrire carrément puisque la règle est que vous n’utiliserez jamais de jigs trop petits.

Une tête de jig sur l’étau

Un jour que je dus pêcher à la nymphe plombée pour tenter d’atteindre le fond d’une de mes fosses préférées dans une rivière alors gonflée par une forte crue, je réalisai qu’un modèle de jig monté comme une nymphe serait peut-être la solution idéale pour arriver au degré de « naturel » tant recherché, en plus de l’avantage que procurent certains poils, plumes et laines pour aider à faire plonger le jig en l’imbibant littéralement d’eau.

Quelques essais sur l’étau puis sur le terrain et… le tour était joué! Ça marchait même très bien. En fait, la supériorité de ces jigs nymphes se mesura immédiatement et ce, dans les mêmes plans d’eau que ceux où j’avais déjà eu du succès avec les micro jigs de caoutchouc. Il n’en fallut pas plus pour me donner la piqûre… Maintenant, si je ne pêche pas à la mouche sèche, semi-sèche ou noyée, j’utilise ma canne ultra légère de 5 1/2 pi avec du mono-filament de 4 lb de résistance et mes jigs- nymphes. Je les dépose aisément au fond, et je les ramène très, très lentement! (le truc est dans le « très »)

Techniques de montage

Les photos accompagnant cet article illustrent bien le réalisme atteint par ce type de jig. Pourtant, ils sont assez simples à confectionner. Pour y arriver, il suffit en effet de suivre un cours de montage de mouches de premier niveau, puisque cette formation est très généralement axée sur les techniques de base employées pour la fabrication de mouches noyées et nymphes « classiques ». Même ceux qui préfèrent l’apprentissage « autodidacte » prendront beaucoup de plaisir à adapter facilement les techniques montrées dans des volumes d’initiation au montage.

Trois choses simples diffèrent toutefois du montage traditionnel d’une nymphe. D’abord, comme l’hameçon d’un jig est dirigé vers le haut, la confection de certains modèles nécessite que l’on positionne le jig à l’envers sur l’étau (par rapport à la position de montage d’une mouche). Deuxièmement, comme la position inversée du jig sur l’étau rend alors l’opération d’attache de la queue presque impossible, il ne faut positionner le jig à l’envers qu’après avoir terminé de monter la queue. Finalement, il est très préférable de peindre la tête de votre jig d’une couleur agencée aux teintes prédominantes choisies, sinon votre jig aura une allure assez bizarre avec sa tête de plomb… Des petits pots de peinture à modèles réduits font ici très bien l’affaire.

Lancer léger et montage de mouche, un association que permettent les jigs mouches.

Présentation et récupération

Afin de tirer le meilleur profit des jigs nymphes, quelques précautions sont de rigueur. En effet, il est important de noter qu’une truite n’attaque pas un jig exactement comme elle le ferait d’un leurre appâté d’un ver : elle s’en saisit plus subtilement. D’où la grande importance de constamment « garder le contact » avec le jig. Pour ce faire, il faut utiliser une petite canne très sensible (5 à 6 pi) avec du monofilament de qualité de 4 Ib de résistance. De plus, le fin diamètre du monofilament vous permettra de lancer un si petit leurre à des distances étonnantes!

D’autre part, en rivière, il vaut mieux ne pas pêcher contre le courant (vers l’amont) puisque celui-ci créera trop de « mou » dans votre ligne. Lancez plutôt en descendant le courant (vers l’aval), en laissant votre jig couler au fond et en le ramenant ensuite lentement, par de toutes petites secousses imprimées non pas avec le scion de votre canne, mais bien avec votre poignée de moulinet. En effet, simuler le mouvement saccadé d’une nymphe avec votre canne génère un « temps mort » dans votre contact avec le jig, et si la truite le saisit à ce moment-là, vous ne la sentirez pas avant qu’elle ne le recrache… Donc, utilisez plutôt votre moulinet, en faisant des demi-tours de manivelle réguliers mais lents.

D’ailleurs, cette technique de récupération saccadée est également très productive en lac, mais comme les nymphes voyagent plus vite en eaux exemptes de courant, vous pouvez récupérer à raison d’un tour complet de votre poignée, suivi d’une pause, notamment lorsque la truite est active et que des émergences sont en cours. En d’autres temps, récupérer un jig sur un fond rocheux, très très lentement, est une technique mortelle…

Le jig mouche permet de rejoindre rapidement les truites et toutes espèces à n’importe quelle profondeur.

Leurre sans limite…

Certains moucheurs passionnés ont décuplé leur plaisir en s’adonnant au montage de leurs propres mouches. Une passion pour la vie, sans limite et, parfois, héréditaire…

Or, compte tenu de l’efficacité et du plaisir que procure l’utilisation des mini-jigs pour la pêche de notre truite mouchetée, pourquoi ne pas enfin associer l’univers passionnant et illimité du montage à d’autres pêcheurs que les moucheurs? C’est vraiment une occasion idéale qui s’offre à ceux qui, ayant déjà expérimenté toute la panoplie des leurres artificiels appâtés d’un ver de terre, voudraient aller plus loin dans l’art fascinant de leurrer un difficile salmonidé. Et, qui sait, peut-être verrons-nous un jour, dans un même canot, deux « puristes » de la pêche à la nymphe, l’un maniant la soie, l’autre le mono-filament…